Notre but est de ramener ce produit traditionnel dans la culture populaire et gastronomique de La Réunion
Voyage gustatif à Sainte-Suzanne : À la découverte d’une gourmandise typiquement réunionnaise
C’est sous un magnifique soleil que nous découvrons la sucrerie Payet & Rivière, située au beau milieu des champs de canne du Domaine de Bel-Air, à Sainte-Suzanne. “Cette micro-sucrerie est installée sur l’une des plus grandes plantations de l’île en terme de superficie”, nous explique Alexis Rivière, fondateur de l’entreprise, au moment de nous accueillir. Tout y est ouvert et accessible : on peut passer des champs de cannes aux machines d’extraction en quelques pas. Et la vue sur l’océan est imprenable !
Le galabé, une histoire de famille.
C’est ici que nous allons en apprendre davantage sur le galabé, cette gourmandise réunionnaise à base de jus de canne, qui veut dire “délicieux” en malgache. “C’est du 100% jus de canne à sucre bio”, lance Alexis.
Bercés par le ronronnement des machines, nous écoutons Alexis, accompagné de notre guide Samantha, qui nous raconte l’histoire de cette exploitation bicentenaire, étroitement liée à celle de la famille d’Alexis. Nous apprenons ainsi que dans les années 1815, la France décide d’implanter l’activité sucrière dans ses colonies françaises. “A l’époque, il y avait 182 usines sucrières sur notre île !
La Réunion produit aujourd’hui principalement du sucre et du rhum alors que la production antillaise est davantage tournée vers la production de rhum.
Aujourd’hui, il n’en reste plus que deux, celle de Bois Rouge dans l’Est et celle du Gol dans le Sud, nous raconte Samantha. Au fil des propriétaires, c’est finalement la famille Payet qui va racheter cette exploitation et l’agrandir, il y a un siècle. Monsieur René Payet , directeur de l’usine Quartier Français , va transmettre son savoir-faire à Maxime Rivière, son gendre en 1955, qui n’est autre que le grand-père d’Alexis. “Notre famille est enracinée dans la production sucrière depuis des générations, et c’est pour cela que nous avons baptisée la nouvelle entreprise Payet & Rivière, en hommage à nos grands-parents”, précise Alexis. De nouvelles machines ont été mises en service il y a deux ans et des travaux sont en cours pour intégrer un pôle de production de rhum, mais Alexis ne perd pas de vue la tradition.
“La recette du vrai bonbon galabé réunionnais avait quasi disparu dans les années 70, et il a fallu beaucoup de recherches pour au final la retrouver auprès d’un grand-père Saint-Pierrois qui a accepté de nous transmettre son secret”, nous explique Alexis.
“Et si on pressait notre propre jus de canne ?”
Avant de poursuivre le tour de l’usine, Samantha nous propose de presser nous-mêmes notre jus de canne à sucre, dans un petit moulin traditionnel. Chacun notre tour, nous passons les cannes à sucre dans le broyeur à deux reprises, pour bien récupérer tout le jus. J’avais déjà eu l’occasion de voir ce type de moulin sur les marchés forains de La Réunion, où l’on peut acheter du jus de canne frais, mais celui-ci est différent. Les deux passionnés nous révèlent qu’ils gardent volontairement l’écorce de la canne pour apporter une touche de chlorophylle dans leur jus, ce qui donne du peps à la boisson. Nous avons tous été conquis par ce goût unique, et certains se sont même laissés tenter par un deuxième verre !
De la canne au galabé.
Samantha nous emmène ensuite dans la sucrerie où on trouve une immense broyeuse et plusieurs cuves. Ce mardi matin, les cannes à sucre fraîchement coupées arrivent par tonnes dans les bennes des tracteurs, pour être pressées. “C’est une machine qui vient de Colombie, et qui peut broyer jusqu’à 2 tonnes par heure !”, chiffre Samantha. Nous voyons le jus de canne pur couler puis être filtré. Il se retrouve ensuite dans d’immenses cuves chauffées où il va progressivement monter en température, jusqu’à ce que 90% de l’eau se soit évaporé. Ces cuves sont chauffées par un feu, qu’un employé alimente régulièrement avec la bagasse sèche, qui reste après l’extraction du jus de canne.
“Vous avez pu voir le tout début du processus de transformation, résume Samantha. En pleine saison, de septembre à décembre, la sucrerie tourne 24h/24, mais en fonction du jour de votre venue, vous ne verrez pas toujours la même étape du processus de fabrication du galabé.”
Un produit artisanal au goût unique.
Nos guides nous précisent qu’ils utilisent des températures beaucoup plus hautes que dans les industries, afin de donner au galabé son goût si particulier. “Le fait que l’usine soit complètement ouverte permet une aération naturelle qui contribue aussi à développer des saveurs plus subtiles”, poursuit Samantha. Le sirop ainsi épaissi est ensuite acheminé vers le laboratoire, où il va pouvoir être mis en bouteille directement pour la vente, et le reste va pouvoir être transformé en “bonbon” galabé emballé dans de jolis sachets.
Sirop, caramel, sucre : c’est le moment de se régaler !
Le moment tant attendu est arrivé : à la fin de la visite, Samantha nous fait goûter tous les produits, du sirop aux caramels plus ou moins raffinés, en passant par le sucre . Nous apprécions chaque bouchée de ces produits réunionnais faits main, qui ne comptent aucun additif, conservateur ou colorant.
Nous nous imprégnons du goût qui change subtilement entre chaque déclinaison. Nous sommes sur une saveur qui se rapproche du pruneau et du raison sec, avec une légère pointe de caramel, de café grillé, de chocolat, de vanille et de réglisse. Notre guide nous donne au passage des idées d’associations gourmandes : nous pouvons utiliser le sirop de galabé pour la cuisson de ribs ou la pâtisserie, pour parfumer des crêpes, des cocktails, différents rhums arrangés, le caramel avec des vinaigrettes ou des agrumes ou du foie gras, etc.
Nous avons déjà hâte de l’intégrer dans de futures recettes à la maison !